Alors que certains domaines s’apprètent à débuter les vendanges, la quasi-totalité des vignes de la région sont touchées par les attaques de mildiou favorisées par les conditions météorologiques.
Les viticulteurs du Bordelais évoquent tous une situation sans précédent pour le millésime 2023. Et pour cause. Au plan national, la production de vin est attendue « au niveau de la moyenne » à près de 45 millions d’hectolitres selon le service statistique du ministère Agreste. Mais les quelque 5.300 viticulteurs de la région font exception.
D’après de récentes estimations de la chambre d’Agriculture de Gironde, plus de 90% des quelques 108.000 hectares du Bordelais seraient attaqués par le mildiou, une maladie provoquée par un parasite microscopique, mi-algue mi-champignon, qui a proliféré à la faveur de l’association, au printemps, de températures élevées et d’orages accompagnés de fortes pluies.
« Les pluies de la fin du mois de juin ont remis un coup de boost mais, en fait, le mildiou ne s’est jamais vraiment arrêté pour finalement se développer à un niveau stratosphérique », expliquait à Sud-Ouest Laurent Bernos, directeur du pôle viticulture/œnologie de la Chambre d’agriculture girondine.
Impossible pour l’heure d’évaluer les dégâts avec précision. Le mildiou ne sévira pas davantage, mais le vignoble peut encore souffrir des intempéries d’ici au début des vendanges, attendues début septembre pour le sauvignon blanc et mi-septembre pour le merlot (environ 60% des surfaces), selon le directeur de la communication du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), Christophe Château. Qu’elles soient conventionnelle ou bio, aucune viticulture n’est épargnée par l’épidémie.
Reconnaissance de l’état de calamité agricole
La situation est si critique que trois députés girondins, Pascal Lavergne, Sophie Mette et Florent Boudié, ont adressé un courrier au ministre de l’agriculture Marc Fesneau il y a un mois. Leur objectif: obtenir la reconnaissance de l’état de calamité agricole pour les vignes du Bordelais. « Il faut faire bouger les lignes pour que ce dispositif assurantiel soit le plus performant possible, insistait ce mercredi au micro de BFM Business Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants de France. On demande aux assureurs d’accompagner le traitement de ces maladies qui sont une conséquence directe du dérèglement climatique. »
« Depuis 2019 tous les ans il y a quelque chose, les viticulteurs sont à bout, il faut un accompagnement sinon le vignoble de Bordeaux pourrait être rayé de la carte », s’alarmait Pascal Lavergne auprès de France Bleu.
Même son de cloche du côté du CIVB par l’intermédiaire de son vice-président Bernard Farges lequel estimait dans Le Figaro que « cet excès d’eau est un accident climatique qui doit être couvert par les assurances, car cela dépasse le phénomène naturel de la maladie. » Dans L’Express, Laurent Bernos inscrivait l’épidémie dans la longue liste des récents aléas climatiques qui ont frappé la profession ces dernières années, entre les gels tardifs, les fortes grêles ou encore la sécheresse.
Vaste plan d’arrachages sanitaire
Cette épidémie de mildiou intervient alors que le CIVB a voté mi-avril un plan d’arrachages sanitaire qui concerne un tiers des vignerons. Près de 10.000 hectares de vignes (soit environ 10% de la surface cultivée) devraient être arrachés dans le Bordelais, après les vendanges, pour réguler l’offre et redresser les prix dans le cadre de ce plan cofinancé par l’État et le CIVB à hauteur de 57 millions d’euros.
La France subventionnera aussi la destruction des excédents de vins rouges et rosés (le vin sera distillé en alcool à usage non alimentaire). Si le plan d’arrachage concerne uniquement les vignes en capacité de produire les cinq dernières années jusqu’en 2022, certains viticulteurs plaident pour un ciblage des vignes abandonnées qui favorise les maladies.
Comme l’expliquait Jean-Marie Fabre plus tôt cette semaine, le vignoble bordelais est plombé par un problème de surproduction évaluée à un million d’hectolitres. « Il y a des vignerons et des viticulteurs qui ont encore des volumes en stock car le marché français est en retrait et les conditions de grand export ont été perturbées, soulignait le président des Vignerons indépendants de France en milieu de semaine. Il faudra mieux appréhender la mise en œuvre de notre production pour qu’elle colle à la demande et au volume commercialisable. »