Située à Langon, l’association Lo Camin milite depuis quatre ans pour l’ouverture d’une classe spécialisée. Une revendication à laquelle l’Agence régionale de santé oppose un refus catégorique pour l’instant.
Le Figaro Bordeaux
Dans une lettre consultée par Le Figaro et adressée à l’Agence régionale de santé (ARS) de la Nouvelle-Aquitaine ce mercredi, la colère de Jérôme Suhard est palpable. Le président de l’association Lo Camin qui œuvre pour l’aide et la défense des personnes atteintes d’autisme, vient d’apprendre par voie de presse que le projet d’implantation d’une maternelle spécialisée dans l’accueil de ces enfants en Sud Gironde resterait lettre morte. «L’école est obligatoire dès trois ans et pour tous», tonne ce père d’une fille autiste, âgée de 10 ans, en dénonçant «le manque de cohérence de l’État».
Depuis quatre ans, son association implantée à Langon (Gironde) réclame la création d’une unité d’enseignement en maternelle (UEMA) qui pourrait accueillir 7 enfants sur trois niveaux, âgés de 3 à 6 ans, dont «la grosse déficience intellectuelle, la faible autonomie, les défauts de langage et le retard de développement» empêchent une scolarisation classique. Cette offre adaptée permettrait de les intégrer au sein de l’Éducation nationale en les réunissant dans une classe spéciale où interviennent plusieurs éducateurs, psychologues, orthophonistes et psychomotriciens. Le tout, à un âge où leur plasticité cérébrale est plus importante. «Les progrès qui ne sont pas faits dès trois ans engendrent un manque d’autonomie pour plus tard, particulièrement coûteux pour la société», insiste celui qui a dû cesser son activité professionnelle pour prendre soin de sa fille.
21 places adaptées pour 1,6 million d’habitants
Or, seules quatre UEMA existent pour l’instant en Gironde. Basées à Bordeaux, Arcachon, Ambarès et à Castelnau-de-Médoc, leurs localisations impliquent de longs trajets quotidiens pour les parents et les enfants habitant au sud du département, s’ils obtiennent l’une des 21 places créées pour 1,6 million d’habitants. «S’il y avait une vraie volonté politique, on ne devrait pas chipoter pour 7 places d’UEMA dans un territoire rural excentré de la métropole bordelaise», argumente Jérôme Suhard. Entre les retards de diagnostics, le mille-feuille médical et la lourdeur administrative pour obtenir la prestation compensatoire handicap (PCH) pour les parents aidants, le quadragénaire dénonce une double peine.
On se retrouve dans une situation qui va à l’encontre de la loi. La société française doit être en capacité d’accueillir ces enfantsSophie Mette, députée Modem de la Gironde
D’autant plus, que la création d’un dispositif d’autorégulation (DAR) qui incorpore les enfants autistes dans des classes classiques ou les interventions à domicile, solutions invoquées par l’ARS Gironde au Figaro, manquent d’efficience selon Jérôme Suhard. «Ma fille, qui n’est pas propre et très peu verbale ne pourra jamais aller en DAR par exemple», insiste le porte-parole de Lo Camin qui demande des «solutions de scolarisation» et non «des pansements». Et pour cause : outre leur enveloppe de financements «très faible», les soins à domicile impliquent pour les parents un «parcours professionnel accidenté et des droits à la retraite impactés».
Un combat soutenu par une députée girondine
Désespérant de se faire entendre, l’association s’est rapprochée de la députée Modem de la Gironde, Sophie Mette. Sensibilisée au sujet «en tant que mère et grand-mère», la parlementaire a écrit le 2 janvier à Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, Geneviève Darrieussecq, ministre du Handicap, François Braun, ministre de la Santé ou encore à Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’Enfance.
«J’espère avoir des réponses car on se retrouve dans une situation qui va à l’encontre de la loi. La société française doit être en capacité d’accueillir ces enfants, ce qui n’est pas le cas dans notre secteur géographique», soutient l’élue qui appuie «la démarche saine de ce papa», dont le souci pourrait un jour incomber à tous parents. Claire Hédon, défenseur des droits, a également été sollicitée.
«Ce n’est pas un problème de crédits»
Contactée par Le Figaro, l’ARS maintient que la création d’une maternelle spécialisée en Sud Gironde n’est pas à l’ordre du jour. Soutenant qu’il ne s’agit pas «d’une solution magique», elle explique qu’il n’y a pas «de besoin» car aucune demande n’a été déposée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui contribue au diagnostic des enfants autistes.
Des appels à projets seront en revanche lancés au printemps afin d’ouvrir dès la rentrée 2023 une nouvelle UEMA dans Bordeaux Métropole et une DAR en Sud Gironde. «Tous les leviers à notre portée sont actionnés pour la prise en charge des élèves atteints de troubles autistiques», déclare ainsi Bénédicte Motte, directrice de l’ARS en Gironde, qui estime que l’urgence est en ville, tout en soulignant que la dernière classe adaptée ouverte est Castelnau-de-Médoc, située en zone rurale.
Référente handicap à l’ARS, Sandrine Lys reconnaît qu’il ne s’agit pas «d’un problème de crédits qui sont alloués chaque année». L’ouverture d’une UEMA en Sud Gironde sera ainsi envisagée pour 2024 «si des enfants sont diagnostiqués». De son côté, la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN), qui agit de concert avec l’ARS, déclare que des propositions ont été envoyées ce mardi au ministère de l’Éducation nationale et qu’il est donc «impossible de communiquer sur une décision précise dans l’attente de leur instruction».