© Loïc Prudhomme
Publié le 5 juin 2024.
Le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) est fortement contesté par de nombreux élus et citoyens, lui reprochant son manque d’utilité pour les déplacements du quotidien et les ravages qu’il va causer sur l’environnement.
Le Figaro Bordeaux
Les travaux ont déjà commencé au nord de Toulouse et ceux au sud de Bordeaux ne devraient pas tarder. Pour autant, l’opposition au Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) ne faiblit pas dans la région. Le 31 mai, un collectif composé de parlementaires et d’élus locaux de différents bords politiques* s’est réuni de nouveau pour dénoncer les impacts négatifs de ces aménagements, qu’ils jugent considérables, et demander un référendum.
Plusieurs arguments sont régulièrement échangés entre les opposants et les partisans du projet, autour de la destruction de plusieurs milliers d’hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers afin de créer les rails pour accueillir la future LGV Bordeaux-Toulouse, de l’incidence de ce projet pharaonique sur les trains du quotidien, de la nécessité ou non de faire ces travaux pour développer le fret ferroviaire ou encore de la justification de la taxe spéciale d’équipement à laquelle sont soumises 2340 communes.
Le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest
Débattu depuis 2005, le GPSO prévoit de faciliter les échanges au niveau local, interrégional, national et international en développant un axe à grande vitesse entre Toulouse et Bordeaux puis entre Bordeaux et l’Espagne en passant par Dax et Bayonne. Chiffré à 14,3 milliards d’euros, ce projet monumental bénéficie du soutien de l’Union européenne et des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Localement, des voix se font toutefois entendre pour critiquer son impact sur les écosystèmes, et notamment l’artificialisation de milliers d’hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, ainsi que son coût, à l’heure où des investissements sont jugés nécessaires pour rendre plus efficaces les «trains du quotidien».
L’exemple de Notre-Dame-des-Landes
«Cela fait 20 ans que ce projet fracture nos territoires et fracture le débat politique et citoyen dans nos territoires», rappelle le député écologiste de la Gironde Nicolas Thierry. Selon ce parlementaire, «seule une consultation démocratique sur le modèle du référendum de Notre-Dame-des-Landes pourrait offrir une solution». Pour l’élu écologiste, ce référendum, dont l’animation pourrait être confiée à la commission nationale du débat public (CNDP) «permettrait d’avoir un cadre démocratique transparent où les arguments des différents partis seraient posés avec rigueur et méthode dans le débat public». La CNDP «pourrait être missionnée pour élaborer à la fois le cadre du débat et faire une synthèse objective des données existantes».
«Je ne vois pas d’arguments solides aujourd’hui qui justifieraient de ne pas faire un référendum local sinon la peur de le perdre», martèle l’écologiste. En 2016, la consultation sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes vers la commune de Notre-Dame-des-Landes avait cependant recueilli une majorité de votes favorables au projet (55,17%), mais deux ans plus tard, le chantier avait finalement été abandonné par le premier ministre Édouard Philippe. La délimitation de cette consultation au seul département de Loire-Atlantique ayant à l’époque été critiquée, les élus opposés au GPSO suggèrent à cet égard d’inclure les 2340 communes contribuant financièrement au projet.
59% des habitants ont entendu parler du GPSO
«À Paris on consulte les gens sur les trottinettes et nous ici, sur le plus grand projet ferroviaire européen, quand on parle de 14 milliards d’euros et d’un projet qui va endetter la région pendant trente ans, un référendum serait impossible ?», s’interroge Nicolas Thierry. Le sujet ne semble pourtant pas pour l’instant à l’agenda des soutiens du GPSO, au premier rang desquels le président socialiste de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. «Tous les partenaires sont unanimes et financent un investissement d’une hauteur inégalée, c’est bien parce que le projet fait sens dans son temps et doit permettre un avenir meilleur», estime l’élu socialiste de 73 ans, à la tête de la région depuis 1998.
Alors que le projet GPSO avait recueilli 93% d’avis négatifs dans le cadre d’une enquête publique, un sondage Odoxa** commandé par la Société du GPSO et publié le 28 mai vient au contraire affirmer que le chantier serait «plébiscité» par «les habitants, mais aussi l’ensemble des Français et des Espagnols». Cette enquête montre qu’à peine 59% des habitants ont entendu parler du GPSO mais que 86% d’entre eux l’approuveraient. Parmi «les atouts perçus» de ce chantier figure pour 36% des sondés le rapprochement entre Bordeaux et Toulouse et pour 29% le désengorgement du trafic routier.
Un sondage jugé «poutinien»
Selon ce même sondage, les inconvénients majeurs perçus par les habitants du sud-ouest seraient d’abord l’impact sur le paysage, les cultures et les sols (30%), les conséquences sur la faune et la flore (29%) et le coût trop important au regard des enjeux (23%). Cette étude a été fortement décriée par les opposants au GPSO, le député girondin Loïc Prud’homme (La France Insoumise) n’hésitant pas à parler de «sondages poutiniens de Rousset». L’élu rappelle, avec ses confrères et consœurs d’autres partis, qu’ils sont tous «des fervents partisans du train mais pas celui-ci et pas à ce coût-là».
«Le président Rousset utilise les moyens de la région pour produire un sondage biaisé et manipulateur pour essayer de faire avancer son parti pris sur la LGV», fustige Loïc Prud’homme. «Est-ce cela la démocratie ?» Pour l’élu, la création des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB), «le premier étage de la fusée GPSO», serait par ailleurs justifiée «par la création d’un bouchon artificiel que nous pourrions appeler le bouchon Rousset», avec de nouveaux arrêts omnibus créés entre Bordeaux et Langon. Pour le parlementaire insoumis, «ce bouchon a été créé de toutes pièces pour justifier ces AFSB».
Le fret ferroviaire en ligne de mire
La députée de Gironde Sophie Mette (MoDem) rabâche quant à elle que «le GPSO est une opération de destruction massive de notre environnement, de notre cadre de vie et de nos terres agricoles, tout en imposant une charge fiscale insupportable aux collectivités locales, sans réel bénéfice pour les résidents». L’élue estime en outre que ce projet de relier Toulouse à Bordeaux plus rapidement grâce à une LGV ne bénéficierait pas à tous les résidents du département. «Les habitants du Sud Gironde ne sont pas des vaches, nous ne souhaitons pas passer notre temps à regarder passer les trains.»
Quant au développement du fret ferroviaire – dont l’essor pourrait permettre de diminuer la pollution causée par les camions de marchandises sur les routes – l’élue MoDem estime que la nécessité présumée du GPSO «est un trompe-l’œil», car il existerait «d’importantes réserves de capacité» sur la ligne actuelle. «L’augmentation de trafic du fret ne nécessite pas la construction de nouvelles lignes, les voies actuelles peuvent gérer l’augmentation prévue, même avec des trains Marathon de 1500 mètres qui doubleraient la capacité sans modification d’infrastructures.» La députée cite par ailleurs un rapport parlementaire sur la libéralisation du fret ferroviaire, qui souligne que le déclin du fret n’a pas été endigué par les nouvelles LGV et n’est pas dû à un manque d’infrastructures mais à des causes structurelles telles que la désindustrialisation et la priorité systémique accordée au train de voyageurs.
*Ce collectif réunit notamment les députés Sophie Mette (MoDem), Loïc Prud’homme (La France Insoumise), Nicolas Thierry (Les Écologistes), les sénateurs Monique de Marco (Les Écologistes), Florence Lassarade (Les Républicains), Nathalie Delattre (Parti radical), Laurence Harribey (Parti socialiste) et Hervé Gillé (Parti socialiste) et les maires de Bernos-Beaulac et de Saint-Médard-d’Eyrans, Jacqueline Lartigues et Christian Tamarelle.
**Ce sondage Odoxa a été réalisé en ligne auprès d’un échantillon de 1994 habitants du sud-ouest, dont 1057 habitants de l’ancienne région Aquitaine et 937 habitants de l’ancienne région Midi-Pyrénées, du 17 au 26 avril 2024.